Marie Agnès, présentation
Je m’appelle Marie Agnès, j’ai 37 ans et je suis originaire de la Réunion (la plus belle île au monde), dans laquelle j’ai grandi et fait toute ma scolarité. Je suis aujourd’hui coach sportive et coordinatrice nationale des filières de soin endométriose pour ENDOmind.
Adolescence
Dès mes premières règles, à 13 ans, j’ai compris que quelque chose n’allait pas. En effet, je devais m’absenter de l’école au moins 2 jours par mois à cause de mes symptômes: douleurs insoutenables m’empêchant de me lever, nausées, évanouissements, problèmes digestifs, etc.
Mes parents m’ont tout de suite amenée chez le médecin de famille afin de trouver une solution à ce problème, qui impactait ma scolarité et mon quotidien. Sa solution, me mettre sous pilule et me donner de nombreux antidouleurs afin de me permettre de « survivre » à ces règles.
Ma scolarité se déroule tant bien que mal. Je visite l’infirmière scolaire régulièrement. Son discours a été déterminant dans la suite de mon parcours en tant que jeune femme. En effet, elle a été très vite agacée par mes visites. Elle me refusait toute médication, et surtout me répétait cette phrase, qui a fini par me réduire au silence : « Il va falloir prendre sur toi ma cocotte, parce que tu vas les avoir jusqu’à la ménopause. Tu es une chochotte. Toutes les femmes ont leur règles. Imagine si toutes réagissaient comme toi, on ne s’en sortirait pas. ».
Cette femme a été la raison de mon silence et de mon mutisme par rapport à mes règles. Elle m’a poussée à silencier mes douleurs et ce que j’étais alors.
À partir de là, j’ai compris que personne ne me comprendrait. J’avais la sensation que le « problème » venait de moi, que je n’étais pas normale, que j’étais moins forte que les autres femmes de mon entourage.
Les adultes censés m’aider, médecins, infirmière scolaire, gynécologues, me rendaient responsable de mon état. Ils et elles ne me proposaient aucune solution. Mes parents étaient aussi démunis que moi.
Premiers rapports sexuels
Les années passent, les premiers rapports sexuels arrivent…
D’autres douleurs apparaissent, insoutenables, les douleurs post-coïtales (dyspareunie). Ma sexualité est alors fortement impactée. Le sujet est tabou pour une jeune fille. Je n’en parle à personne. Je pense être « anormale », que je n’aime pas le sexe. Mais qui aime souffrir ?
J’ai des partenaires très égocentrés et non informés sur les douleurs pelviennes … Ce sujet est déjà un tabou pour les femmes, alors pour les hommes ! N’en parlons pas.
Les années s’écoulent et j’obtiens tous mes diplomes aisément malgré mes douleurs. Je vis alors en couple. Toutefois, j’ai l’impression de faire semblant, de jouer un jeu, de feindre la joie.
2014 – Je fais connaissance avec l’endométriose
En 2014, je tombe sur un article sur les réseaux sociaux qui parle d’une maladie : l’endométriose.
Les symptômes me parlent. L’article invite les personnes qui se reconnaissent dans les symptômes à consulter un professionnel formé à la maladie, ce que je fais immédiatement.
Me voilà donc à la recherche d’un gynécologue, spécialisé dans l’endométriose.
J’obtiens un rendez-vous. Le gynécologue me pose une liste de questions à laquelle je réponds de manière affirmative. Avant tout examen, le docteur m’indique que j’ai certainement une endométriose. Il doit effectuer une échographie pelvienne pour confirmer son diagnostic. C’est à cet instant que ma vie bascule…
À l’échographie, le gynécologue découvre un kyste endométriosique de 12 cm sur mon ovaire gauche. Il m’annonce que je dois être opérée la plus rapidement possible. Mon parcours médical commence ici.
Lors de ma première opération, sous coelioscopie, le chirurgien retire mon ovaire gauche : « Vous avez un deuxieme ovaire et vous êtes jeune. Vous pourrez donc tomber enceinte avec un seul ovaire. ». Le gynécologue confirme que j’ai des lésions d’endométriose dans tout le petit bassin.
Les années s’accumulent. Je suis en couple. Nous décidons de nous marier et, sur les conseils de mon gynécologue, nous effectuons des tests de fertilité.
Arrive cet examen que je n’oublierai jamais : l’hysterosalpingographie.
Malgré avoir signalé au radiologue que j’avais une endométriose profonde, ce dernier effectue l’examen sans aucune précaution. Quand il essaye de faire passer le liquide dans mes trompes, je hurle, je me tords de douleur, je pleure. Il continue, sans faire cas de ce que je ressens. Au final, le radiologue m’annonce brutalement : « Oh, c’est normal que vous ayez eu mal. Vos deux trompes sont complètement bouchées. Vous devrez passer par une « fécondation in vitro » pour concevoir un enfant. Merci. Au revoir. ».
À la sortie de ce rendez-vous, je m’effrondre. J’étais mécaniquement stérile. À chaque fois que j’aurai un rapport avec mon mari, je ne pourrais jamais tomber enceinte.
28 ans – Mon parcours PMA
J’ai 28 ans. C’est la douche froide. Notre parcours PMA commence.
Dans le cadre du parcours PMA, il faut stopper toute contraception. Cet arrêt marque donc le retour de mes règles. L’enfer commence alors … Avec du recul, je pense que ma dépression a commencé à cette période.
Nous tombons sur un gynécologue très humain et compréhensif . Cependant, mon dossier est complexe (à cause de mon endométriose profonde). Je subis 2 FIV, 2 ponctions, 2 transferts ainsi que des examens sous anesthésie générale. J’essaie malgré tout d’avoir une vie le plus normale que possible : je fais « bonne figure » au travail, lors des réunions familiales, etc. Je souffre. Mon couple aussi. Je prends sur moi et ne laisse rien paraître. Je fais semblant d’être heureuse pour rassurer les autres et pour me rassurer moi-même.
2016/2017 – La descente aux enfers
En 2016, je jongle entre les différents rendez-vous médicaux, les travaux de notre appartement, mon emploi de responsable dans l’immobilier et mon endométriose. Cette dernière est malheureusement boostée par les hormones de la FIV. Je fais face à toutes ces responsabilités.
Cette année-là, mon mari décide d’accepter une offre d’emploi à Londres. Notre plan était alors que je fasse les FIV en France et que, dès qu’une fonctionne, je viennes le rejoindre en Angleterre. Nous n’avions pas évalué la lourdeur de ces deux projets. Je souffre énormement physiquement et émotionnellement. Je suis seule. Ma famille est à la Réunion et mon mari à Londres. Mon endométriose provoque des kystes, dont un qui a été perforé lors d’une ponction. J’ai donc été hospitalisée toute une semaine, seule, à Paris. Physiquement, je souffre. Psychologiquement, je suis anéantie.
En 2017, notre couple traverse une crise. Mon conjoint me reproche d’être tout le temps malade et fatiguée. Je consulte des psychiatres parce que je veux mourir. Je me sens inutile. Je n’arrive pas à rendre heureuse la personne que j’aime. Je n’arrive pas à lui donner d’enfant. Je ne sers a rien. Je souffre. Je ne dors quasiment plus. Je suis à bout.
Aucune solution n’est trouvée pour faire face à cette maladie qui m’empêche d’être heureuse. Au travail, ça se passe mal. Le directeur minimise ma maladie en nommant ma pathologie dans ses mails à ses collaborateurs, « Marie Agnes a encore ses problemes de filles ». Je craque et quitte mon job.
Je trouve un nouvel emploi dans une autre structure, une grande entreprise avec un service RH. Ce nouveau travail est un soulagement, d’autant plus que ma vie maritale est devenue un véritable enfer. Pour nous soulager financièrement j’ai mis notre logement en location. Je suis partie vivre chez un membre de ma famille, à 1h de mon travail. Je dors sur un canapé.
14 juillet 2017
Le 14 Juillet 2017, une terrible nouvelle concernant mon mari provoque un séisme dans ma vie. Quelques mois après ce choc, cette trahison, ce plan machiavélique, lors d’un contrôle de routine de mon endométriose, on découvre une tumeur à l’ovaire droit, mon dernier ovaire. Ce jour-là, mon endométriose m’a sauvé la vie. Mon enfer a été ma bénédiction.
Je rencontre de nouveaux médecins, un cancérologue, passe de nouveaux examens, etc. Je suis operée deux fois de suite sur trois mois. Malheureusement, on me retire mon dernier ovaire.
Âgée de 31 ans, me voilà stérile. Il me reste un utérus mais plus de trompe ni d’ovaires. Je suis en arrêt maladie pour 5 mois. Je suis souvent très seule. Je décide alors de quitter mon conjoint. Je reprends ensuite mon travail et j’en suis heureuse. Je retrouve une « vie normale ».
2018/2019 – La boxe thaïlandaise
En 2018, je passe par hasard devant un cours de boxe thaïlandaise. Contre l’avis de mes médecins, qui auraient préféré que je fasse du pilates ou du yoga, je me met à la pratique de ce sport.
Avec la boxe thailandaise, je me sens bien. Je reprends le contrôle de ce corps qui m’a tellement fait souffrir. Je me sens à ma place. Mon endométriose, bien que toujours présente, se gère mieux.
En août 2019, je décide de partir seule en Thailande pendant 1 mois et demi pour boxer. Je voyage de ville en ville, de camps en camps. Le voilà, le voyage de ma vie ! C’est grâce à lui que je réalise le tsunami qu’a été ma vie jusqu’à présent. Un soir de pluie, sur le balcon de ma chambre d’hôtel, à Bangkok, j’en prends conscience et je m’effondre.
Ici, en Thaïlande, je fais des rencontres incroyables. J’échange avec des gens qui croient en moi, qui me redonne ma juste valeur.
Rentrée en France, je ne trouve plus ma place dans mon job et dans mon quotidien. Je prends conscience de ma stérilité et m’interroge sur le concept de « fertilité ». La fertilité, c’est la capacité à faire germer et a produire des fruits. Je décide donc de devenir hyper fertile autrement. Je quitte mon poste dans l’immobilier et reprends mes études. Je prépare un BPJEPS, double option. Je pense être enfin sur mon chemin de vie. Je l’emprunte, et des portes s’ouvrent : je valide tous mes tests et j’intègre une salle premium comme structure de stage ainsi qu’une école sélective.
Reconversion professionnelle et parcours militant
Pourquoi devenir coach sportive ?
Le sport, la boxe puis le yoga, m’ont sauvée et m’ont aidée à reprendre le contrôle sur mon corps. J’ai pu évacuer ce que je n’étais pas capable de verbaliser dans mon passé.
Dans le rôle de coach, il y a cette générosité fertile, cette générosité du coeur qui aide, motive, pousse vers le haut. Cette aide dont j’ai tellement manqué pendant mon parcours de malade.
Je décide alors d’intégrer une association de patientes, ENDOmind, afin de militer pour la reconnaissance de l’endométriose. Je me fais la promesse qu’il n’y aura plus aucun parcours comme le miens.
Petit à petit, je deviens « coordinatrice nationale des filières de soins endométriose » chez ENDOmind. Après avoir eu ma tumeur, je me suis demandée pourquoi j’étais encore en vie … et, la finalité de ma réflexion a été, POUR TÉMOIGNER ! Pour montrer que, dans la vie, aucune situation n’est définitive. Tout peut changer. Tant qu’il y a de la vie, il y a des possibilités de créer, de changer, de se renouveler.
Avec mon expérience, je peux affirmer que le bonheur c’est la liberté : la liberté d’être soi, la liberté de choisir, de suivre sa voix intérieure, son intuition.
Dans la vie, on a deux certitude : notre date de naissance et le fait que nous allons mourir … Entre ces deux moments, il y a la vie. Le bonheur et la paix demandent du courage. Sortir de sa zone de confort et prendre des risques en valent la peine.
« Je suis »
Je suis aussi ici pour dire que nous avons la valeur que nous décidons de nous donner.
Je suis Marie Agnès. J’ai 37 ans. Je suis atteinte d’endométriose. Je suis entrepreneuse, coach sportive, et militante active. Je ne porterai jamais la vie dans mon ventre mais, je suis en vie, je sème des graines de vie. Je suis fière de la femme que je suis devenue !
Je suis Marie Agnes, et aujourd’hui, JE SUIS.
Sororifemme-Endométriose
Fondée en 2023, Sororifemme-Endométriose est une association ressource, proposant une boîte à outils pratique et bienveillante pour toutes les personnes atteintes d’endométriose.
Association à but non lucratif, enregistrée au JO depuis le 4 juillet 2023 / N° RNA W191006818.
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