Marie, non-binaire et endowarrior

« Apporter mon témoignage en tant que personne non-binaire pour visibiliser tous.tes les endowarriors. »

Mes premières règles

J’ai eu mes premières règles à l’âge de 12 ans, en plein cours d’anglais. N’ayant aucune idée de comment mettre une serviette, je vous laisse imaginer la panique que j’ai alors ressenti. À cette époque, je saignais très peu, pendant 6 jours et et je n’avais pas de douleurs particulières. 

Début des douleurs

Vers mes 13-14 ans les douleurs ont commencé. Elles étaient alors supportables et atténuées par une simple prise de spasfon. Cependant, très vite ces douleurs sont montées en intensité. Le spasfon est devenu inutile.

Je suis passé au paracétamol qui a marché quelque temps. Puis il a fallu 2 comprimés, puis 3, jusqu’à 6 comprimés par jour, pour que les douleurs s’arrêtent enfin.

À ce même moment, mes saignements menstruels sont devenus plus courts (3 à 4 jours) mais beaucoup plus abondants. C’était insupportable ! Je tâchais mon lit, mes pantalons, mes sous vêtements … Je devais changer de protection menstruelle toute les 2 heures alors que j’utilisais des protections pour la nuit.

Les nuits étaient difficiles. Je me réveillais avec du sang partout sous les fesses. Je mettais, en plus de mes serviettes périodiques, une serviette de toilette par dessus mon drap housse. Je devais changer mes draps et me laver en pleine nuit. Au bout d’un moment, j’ai arrêté de changer mes draps pendant mes règles car cela devenait ingérable !

Vers mes 15 ans, on m’a dit d’essayer les tampons. Mais ils me faisaient très mal. On me répondait alors que je le mettais « sûrement mal ». J’ai essayé 2 fois. La douleur était tellement horrible que je n’ai plus jamais voulu recommencer cette expérience. J’avais fini par superposer des serviette dans mes sous vêtements. 

Premiers pas vers la transidentité

À 16 ans, j’ai fais un premier pas sans m’en rendre compte vers la transidentité. Le concept de genre me perturbait déjà enfant. Je n’y trouvais pas ma place. J’ai finalement décidé que « j’étais moi, et que c’était suffisant comme réponse ».

J’ai voulu arrêter les culottes pour porter uniquement des boxers masculins. Ça a été une désillusion au moment des règles, car les boxers n’étaient pas du tout adaptés aux serviettes menstruelles. J’étais donc obligé de porter des culotte durant mes règles même si je me sentais mal avec.

Des douleurs insoutenables

16 ans, c’est aussi l’âge où les douleurs sont devenues insoutenables. Je ratais mes cours car je ne pouvais pas bouger de mon lit les deux premiers jours de règles. Quand elles se déclenchaient à l’école, j’étais plié en deux de douleur, parfois à en pleurer sur ma table de classe. J’avais parfois de la fièvre et je grelottais même avec des températures élevées. Ou à l’inverse, je me retrouvais avec des bouffées de chaleur en plein hiver. La douleur me donnait mal à la tête et parfois la nausée. J’avais du mal à marcher. Je me tenais le ventre en marchant, plié en deux vers l’avant. J’ai été obligé de quitter les cours pour rentrer chez moi, en urgence, plusieurs fois. 

Les choses ont continuées ainsi jusqu’à mes 21 ans environ. J’ai commencé les culottes menstruelles à cette période. Il m’en fallait quand même 3 par jour, malgré qu’elles soient pour flux « très abondant ». 

Coming out

J’ai arrêté la fac pour commencer un service civique. L’une de mes collègues, voyant l’état dans lequel j’étais durant mes règles, m’ a parlé de sa pathologie : l’endométriose.

J’ai laissé cette information dans un coin de ma tête, en me disant que ce n’était rien et que c’était normal d’avoir mal pendant mes règles.

J’ai fais mon coming-out agenre à 20 ans. Mes règles, en plus de mes douleurs pelviennes, me renvoyaient à cette « obligation » d’être « une femme ». Cela me déprimait encore plus. Plus j’explorais et m’autorisais ma non-binarité, plus mes règles me gênaient et me renvoyaient à l’impossibilité d’être autre chose qu’une femme aux yeux des autres.

L’endométriose était un sujet que je voulais mettre de côté. Cette pathologie me renvoyait à ma condition obligatoire de « femme ». De plus, je pensais que « mon cas n’était pas si grave ». J’ai associé l’endométriose à une « maladie de femme » car ce sont toujours des femmes cisgenres qui témoignent sur les réseaux et dans les médias. Les revues scientifiques et médicales, les marques de bien-être menstruel et de santé sexuelle disent toujours « l’endométriose concerne 1 femme sur 10 ».

Des douleurs trop envahissantes

Avec l’endométriose, il fallait passer par la case « gynécologue ». Cela m’a terrifié, notamment l’examen physique.

À mes 23 ans, les douleurs ont commencé à se développer en dehors des règles 1 à 2 fois par mois et après avoir eu un orgasme. À ce moment là, je n’avais eu qu’une seule partenaire. Je ne pratique pas la pénétration. Je suis dans le spectre asexuel.

En cherchant sur internet, j’ai vu que les douleurs liées aux relations sexuelles et que les douleurs pelviennes pouvaient être liées à l’endométriose. J’avais aussi des problèmes de constipation en alternance avec de la diarrhée durant mes règles. 

Un peu avant mes 24 ans, en quelques mois, les douleurs pelviennes sont devenues trop envahissantes. Je souffrais 4 à 5 fois par semaines. Les douleurs ne passaient plus du tout avec les médicaments « classiques ». J’ai trouvé une gynécologue assez proche de chez moi et « bien notée ». N’ayant plus de place pour de nouveaux.velles patient.e.s, j’ai était reçu par son confrère.

J’étais stressé qu’un homme m’examine et me renvoie à un statut de femme. J’ai eu beaucoup de chance. Je suis tombé sur un gynécologue très gentil et ok avec la transidentité. Quand j’ai expliqué que je souhaitais faire une mammectomie pour des questions de genre, il n’a pas posé de questions. Il a était très correct en terme de consentement à plusieurs reprises et juste avant l’examen d’échographie pelvienne. L’échographie n’a rien révélé. En revanche, elle a été atrocement douloureuse, mettant en évidence une dyspareunie profonde dont j’ignorais l’existence. Cette dernière expliquait les douleurs que je ressentais lors de l’utilisation de tampons. Le gynécologue m’a prescrit une pilule pour voir si en arrêtant les règles, mes douleurs s’arrêtaient.

J’ai pris cette pilule pendant 4 mois. 4 mois infernaux. Mes règles duraient 3 semaines. Mes douleurs ne passaient pas. Ce même gynécologue m’a prescrit de l’ibuprofène. Ce dernier calme mes douleurs mais me donne des brûlures d’estomac. Au bout de ces 4 mois, j’ai arrêté la pilule.

L’endométriose

Le gynécologue m’a prescrit une IRM pour rechercher une endométriose avec un docteur spécialisé à Bordeaux. J’ai également essayé le dienogest. J’ai eu un rendez-vous pour l’IRM rapidement grâce à un désistement. Après cet examen, je n’ai pas pu voir le médecin car il avait trop de retard. Toutefois le compte-rendu indiquait bien une lésion endométriosique sur le ligament utéro sacré.

Le verdict est tombé, je suis effectivement atteint d’endométriose !

J’ai vécu ce diagnostic comme une soulagement : enfin une explication à toutes ces années de douleur et à tous ces symptômes ingérables. Le dienogest a bien fonctionné pendant 5 mois. Je n’ai plus eu mes règles.

Aujourd’hui, presque 6 mois après le début du traitement, le médicament ne marche plus qu’à moitié. Les douleurs pelviennes sont presque permanentes, bien que modérées. Les crises de douleur bien que réduites sont de retour (1 à 2 fois par mois). Les troubles intestinaux sont plus fort que jamais. L’impériosité mictionelle s’est étendu en dehors des règles. Marcher et me tenir debout est devenu compliqué à cause des douleurs chroniques.

Épilogue : déception et invisibilisation des personnes non-binaires / agenres dans l’univers de l’endométriose

Dernièrement, j’ai vu un gynécologue différent (mon précédent gynécologue est parti à la retraite). Quelle déception !

Je suis allé à la « Clinique de la femme » car les avis semblaient positifs. Le nom me mettait tout de même mal à l’aise. Sur place, en guise de décoration, il n’y avait que des dessins de femmes. Je ne me sentais pas à ma place.

Je vois d’abord la sage-femme qui me pose des questions, notamment sur mes opérations. Je parle de ma mammectomie effectuée quelques mois plus tôt. La sage-femme me regarde choquée, ne dit rien et change de sujet. Je lui passe le compte rendu de l’IRM.

Je vois ensuite le gynécologue, et là, c’est la catastrophe !

Il me dit que 2 femme sur 3 ont « mal pendant leur règles et n’ont pas d’endométriose pour autant ». Il estime que ce n’est pas à lui de prendre en charge mes troubles digestifs, urinaires et mes douleurs pelviennes mais à un gastro-entérologue. De plus, selon lui, j’ai déjà un « traitement » qui arrête mes règles et c’est bien assez. Il ne peut pas faire plus, ni mieux.

Ce gynécologue rajoute que je n’ai pas d’endométriose. D’après lui, une lésion endométriosique de quelque millimètre sur la zone LUS n’est ni grave ni douloureuse. Il me dit que tous mes symptômes « ne sont pas liés à l’endométriose, et que de toute façon, il n’y a pas de symptômes classiques pour cette maladie« .

Je sors de ce rendez-vous avec l’envie de pleurer. Je me sens perdu et en colère.

Maintenant, je ne sais plus quoi faire. J’ai peur de retourner voir un.e autre gynécologue car on m’a dit qu’il n’y a rien à faire de plus. Je fais de mon mieux au quotidien pour supporter mes symptômes ainsi que mes autres handicaps invisibles. Je vais sûrement laisser tomber le suivi gynécologique pour l’endométriose. Au moins pour le moment. Actuellement, je n’ai plus mes règles. En tant que personne trans non-binaire, c’est un soulagement ! J’essaye de me concentrer sur ce seul point positif.

Le prochain rendez-vous avec ma gynécologue, sera pour évaluer mon endométriose afin de savoir si je dois être opéré ou non.


Un témoignage écrit par Marie, @lilkonekodesign, artiste, personne trans et non-binaire, atteinte d’endométriose.

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